Correspondance #4

Chères feuilles mortes,
vous ne l'êtes pas et (comme les amours), vous palpiterez toujours.
Éphémères et d'or, vous couvrez de soleil, les pavés de la cour.
J'observe, en planque derrière la fenêtre, le va-et-vient du balais un peu sorcier dans la main de l'Homme.
Le réel est en poussières d'automne et l'on s'égare. On a voulu maîtriser la fièvre. Pas celle de l'urgence qui rend malade. Non, l'autre, celle des origines de la création, de la passion et du love.
Éphémères mais danseuses. Lumières dans l'obscure. Vous ne serez jamais mortes.
Dans votre chorégraphie étourdie vous transportez nos rêves ancestraux.
L'arbre vit en chacune de vous. Chuchotements de la sève. Calme après la fureur. Observe. Ça pose en douceur.
Et ouais c'est vrai, l'univers est parfois sourd à la beauté de vos appels, mais l'homme urgent a toujours son cœur. Griffé, mordu, pollué peut-être, mais il bat encore (fort).
Et je veux croire que même incertain et largué, l'Homme retrouvera le goût de s'asseoir un jour. Sous l'arbre, et fermer ses yeux qui coulent.
Chères feuilles de l'ocre et du soleil, ne pensez jamais que vous avez échoué. Vous êtes le gardien de cette saison de la mélancolie et de la création. Rien ne meurt, rien ne s'éteint (même si tout passe).
Étourdi, l'homme claqué, au teint gris, fermera ses yeux. Il posera une à une ses vertèbres fragiles sur le sol recouvert de votre or. Il acceptera de nouveau de laisser venir la fièvre. Et dans sa cage thoracique, son organe pris au piège cherchera l'issue. Il balancera les petites pierres qui pèsent dans son ventre comme des éclats d'étoiles et ça fera bien moins mal. Il dansera dans sa tête de façon un peu maladroite et sans aucune logique. Et même si le monde semblera s'en foutre, ça sera juste par orgueil. Sauver ce qu'on appelle "les apparences." Connement d'accord. Et inutile aussi, c'est vrai.
Ce truc que je sais, chères feuilles de l'arbre tombées, c'est que...Le cœur de l'homme, aussi malmené et torturé soit-il, ne vous résistera pas. Il comprendra que renoncer n'est pas la voie et forcera le destin. Il choisira la vie et de lui faire la peau de manière brûlante. La prendre dans ses bras et lui chuchoter "Emmène-moi."
Oublier le poison.
Chères feuilles, vous qui êtes mortes pour faire semblant, le voyage jusqu'aux flocons de neige, c'est vous. Emmenez-nous, trimballez-nous. Voyager c'est vivre. Ne renoncez jamais à nous faire valser sous les réverbères. Il est tard, mais jamais trop...

Votre danseuse étourdie.
CB


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